Dessins pour la paix – Zunar et gado

C’est lorsqu’il s’implique dans le mouvement social Reformasi, suite au renvoi du vice-premier ministre en 1998, que Zunar se fait connaître… et arrêter pour la première fois. Dès lors, il se dédie au dessin de presse politique. « Comment puis-je rester neutre, même mon stylo prend position. » Cette phrase est devenue son slogan.

Face à la répression de son gouvernement qui refuse de le considérer comme un artiste, Zunar est arrêté à plusieurs reprises pour ses dessins. En septembre 2009, un raid de policiers confisque 408 copies de Gedung Kartun, la première revue de bande dessinée politique en Malaisie, qui se retrouve interdite. Un an plus tard, il est arrêté pour sédition, trois heures avant le lancement de son livre fraîchement publié Cartoon-O-Phobia qui traite de problématiques dites « sensibles » telles que la conspiration contre la femme du premier ministre, Rosmah, la corruption, et le racisme. Il reste deux jours en prison. En 2014, le gouvernement demande d’avoir la liste des clients achetant ses livres via son site internet.

Zunar continue de protester contre les pratiques douteuses de son gouvernement. En juin 2010, il dépose une plainte pour contester l’interdiction de ses livres. En 2011, il porte plainte pour avoir été détenu vingt-quatre heures illégalement. Aujourd’hui, Zunar fait l’objet de neuf poursuites judiciaires sous le Sedition Act et pourrait être condamné à 43 ans de prison pour avoir posté plusieurs tweets critiquant ouvertement le pouvoir judiciaire malaisien. Reporté à quatre reprises, son procès est fixé au 26 janvier 2017.

Il a reçu de nombreux prix internationaux, dont le prix du Courage en caricature politique décerné par le CRNI (Cartoonists Rights Network International), le prix de Human Rights Watch Hellman/Hammett (2011), le prix International de la liberté de la presse du comité de protection des journalistes à New York (2014). C’est de New York qu’il reçoit en décembre 2016 le soutien des dessinateurs de presse au niveau international, en tête Patrick Chappatte, vice-président de Cartooning for Peace, demandant à la Malaisie l’arrêt immédiat du harcèlement dont le gouvernement fait preuve. Sous le coup d’une interdiction de sortie du pays, il n’a pu venir à Morges inaugurer cette exposition, qui l’honore comme lauréat 2016 du Prix international Cartooning for Peace.

Godfrey Mwampembwa, alias Gado, naît en 1969 à Dar es Salaam, en Tanzanie. Après des études d’architecture à l’Ardhi Institute (Tanzanie), il s’installe à Nairobi en 1992, où il devient le dessinateur attitré du journal kenyan Daily Nation, l’un des journaux les plus importants de l’Afrique centrale et de l’Est, appartenant au groupe NMG (Nation Media Group). Egalement freelance pour plusieurs journaux tanzaniens et étrangers comme Courrier international (France) ou Sunday Tribune (Afrique du Sud), Gado se présente lui-même comme le « dessinateur de presse le plus syndicalisé de l’Afrique centrale et de l’Est ».En 2009, il lance The XYZ Show, une émission de télévision kenyane hebdomadaire inspirée de l’ancienne émission britannique Spitting Image et des Guignols de l’info, diffusée en France. Unique en son genre sur le continent africain, l’émission devient rapidement très populaire.

Ses dessins ciblent les travers socio-politiques du continent africain, entre corruption, pauvreté, religion, liberté d’expression, sans oublier de viser avec son esprit incisif la politique internationale. Pour lui, « les dessins de presse ne sont jamais erronés ou corrects, mais ils sont faits pour soulever des questions, susciter la réflexion, et dans le processus, les gens peuvent parler et discuter, proposer quelques idées ».

Gado a obtenu de nombreux prix, dont le Prix du journalisme pour les droits de l’homme au Kenya (2005 et 2009), le Prix du Prince Claus (2007) et donc en 2016, il reçoit à Genève le Prix international Cartooning for Peace, des mains de Kofi Annan, Président d’honneur de la Fondation, qui déclare: « Gado et Zunar nous rappellent combien cette liberté reste fragile en Afrique et en Asie comme dans d’autres régions du monde. Par leur engagement en faveur de sociétés ouvertes et transparentes, Gado et Zunar, menacés dans leur pays et qui ne peuvent plus exercer leur métier, nous mettent face à notre responsabilité de préserver la liberté d’expression et d’agir pour soutenir le combat de ceux qui ne peuvent s’exprimer par leur art. »